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Expatriés : partir ou rester au Royaume-Uni suite au Brexit

par

Cooptalis

Expatriés : partir ou rester au Royaume-Uni suite au Brexit

 

Article en partenariat avec Expat.com


Le 16 juin 2016, le Royaume-Uni prenait par surprise le reste de l’Europe et répondait « Oui » au référendum de sortie de l’Union Européenne. Depuis, Londres prépare son retrait. Les deux parties ont eu peine à trouver un accord qui réglerait les modalités de ladite séparation. De plus, allant à l’encontre des demandes de l’opposition politique, Boris Johnson a maintenu la date de séparation, avec ou sans accord, alors que de nombreux sujets ne sont pas réglés. Malgré la Covid 19, le « divorce » a été consommé au 31 décembre à minuit.  

Un point sur la situation

En ce début d’année 2021, les expatriés et candidats à l’expatriation sont en droit de se poser des questions alors que près de 3 millions de ressortissants européens se trouvent pris dans les enjeux du Brexit1 (dont 300 0000 français uniquement à rien qu’à Londres).

En effet, jusque-là, l’Union Européenne garantissait une grande facilité de mouvement pour ses ressortissants. Les mouvements personnels comme les initiatives professionnelles étaient protégés et facilités, notamment par les principes de libre établissement et de libre prestation de services à l’intérieur du marché commun. Ainsi, chaque ressortissant européen pouvait librement s’installer et entreprendre dans les pays membres (articles 49 et 56 TFUE). Le départ du Royaume-Uni remet donc en cause tout un système. 

 

Léa, 24 ans, termine ses études au Royaume-Uni et, bien qu’elle puisse disposer de facilités procédurales pour rester sur le territoire, elle envisage sérieusement de rentrer en France après l’obtention de son diplôme. Elle confie :

« J’ai choisi l’Angleterre pour la facilité de voyage et d’établissement, je n’ai pas envie de me poser de questions et de ne jamais être sûre des règles; j’aimerais vivre dans un pays où ma famille et mes amis peuvent me rendre visite facilement, et aujourd’hui, je me demande si c’est le cas pour le Royaume-Uni et ce qu’il adviendra dans le futur puisque les règles peuvent changer rapidement ».

 

Il semblerait qu’actuellement la volonté du Royaume-Uni soit de protéger les expatriés se trouvant déjà sur le territoire britannique afin de ne pas créer de rupture trop abrupte avec la situation précédente. En effet, jusqu’à présent, les ressortissants européens jouissaient d’un droit de libre séjour et circulation de l’autre côté de la Manche : il n’y avait donc aucune autorisation à obtenir afin de s’y établir. Les seuls documents nécessaires à une arrivée au Royaume-Uni étaient une carte d’identité ou un passeport en règle. Un ressortissant d’un pays membre de l’Espace Économique Européen (dont la France fait partie) n’était pas tributaire d’un permis de travail pour s’établir professionnellement sur le territoire britannique. La seule démarche à effectuer pour travailler sur place était la demande d’un numéro de sécurité sociale qui se faisait par formulaire. De même, l’ouverture d’un compte bancaire ne nécessitait qu’une pièce d’identité et un justificatif de domicile. L’installation au Royaume-Uni se caractérisait donc l’absence de formalités et de restrictions pour les ressortissants européens. Cette norme est toujours d’actualité dans le reste de l’Union Européenne. 

 

Pour les expatriés européens à destination du Royaume-Uni, deux situations semblent se dégager : les expatriés arrivés avant le Brexit et ceux qui souhaitent s’expatrier dans le futur. Dans le premier cas, les règles sont déjà établies mais l’incertitude n’est pas pour autant levée.  

 

 Les expatriés sur place au moment de la finalisation du Brexit. 

 Si la volonté de limiter l’immigration est claire de la part du gouvernement britannique, il ne semble pas pour autant question de cesser toute forme de coopération entre les ressortissants européens et britanniques après des années de cohabitation facilitée. Dès lors, le chemin pris est celui de maintenir les droits de résidence des expatriés déjà présents sur le territoire du Royaume-Uni pour raisons légitimes. 

 

Ainsi, il est déjà annoncé que les expatriés ayant passé cinq années dans leur Etat d’accueil et acquis un droit de séjour permanent conserveront celui-ci, tandis que ceux qui n’ont pas atteint les cinq ans exigés au 1er janvier 2021, verront le compteur continuer à tourner sans être affectés par le Brexit, et pourront solliciter un permis de résidence permanente à l’échéance des cinq ans requis.  

 

Si l’effort est fait pour faciliter la régularisation de la présence des expatriés européens au Royaume-Uni, leur situation appelle tout de même des démarches administratives: les Européens souhaitant continuer à résider de l’autre côté de la Manche doivent s’enregistrer en vue de demander le statut de résident permanent.

 

Les démarches peuvent être réalisées en ligne2 afin de simplifier le processus, notamment en période de pandémie, mais suscitent des inquiétudes du côté européen qui émet des doutes au sujet des ratés possibles et de l'objectivité du contrôle. Ainsi, le Parlement Européen demande des engagements sérieux de la part des Britanniques pour garantir l’indépendance et le sérieux de l’autorité de contrôle en charge de la délivrance du « settled status »3 . 

 

Marion, 31 ans, habitant en Angleterre depuis 2013 est arrivée au Royaume Uni via un programme universitaire lui permettant de devenir assistante de français au lycée. Elle confie avoir mal vécu le Brexit. Pour elle, le référendum a installé un sentiment de rejet au moment des résultats; néanmoins son entourage professionnel a su la rassurer en assurant la continuité de son poste. En raison du Covid 19, Marion a dû changer de travail à quelques mois de la fin de la période transitoire mais elle estime avoir été très bien accompagnée dans les démarches par son nouvel employeur. A ses yeux, les expatriés présents légalement sur le territoire du Royaume-Uni avec une historique de travail et d’impôts n’ont pas à s’inquiéter : « ma situation post Brexit n'a jamais été difficile car pour l'état anglais, je suis en règle et paie des taxes. Post Brexit, j’ai eu la chance également d'avoir 5 ans d'ancienneté (et d'historique de travail/impôts) dans le pays donc d'obtenir mon indefinite right to remain sans soucis ». 

 

Contrairement aux craintes du Parlement Européen, les démarches en lignes semblent satisfaire les expatriés4Comme Marion, 150 000 français ont déjà demandé leur permis de résidence à ce jour5. Pour le reste d’entre eux, la démarche est accessible jusqu’au 30 juin 2021 tant que la résidence au Royaume-Uni a commencé avant le dernier jour de l’année 2020. 

 

Face à l’incertitude, certains préfèrent mettre toutes les chances de leur côté en prenant les devants et en demandant la nationalité britannique avant d’être confrontés aux démarches et déboires résultant du Brexit. Néanmoins, cette démarche n’est pas accessible à tous: elle coûte plus de 2000 euros par personne et comporte un test de culture générale britannique poussé ainsi qu’un texte test d’anglais… Le coût engagé et les connaissances exigées pourraient s’avérer trop importants pour une partie des expatriés6.   

 

S’expatrier au Royaume-Uni après le 1er janvier 2021. 

Si les expatriés déjà présents dans leur pays d’accueil sont pris en charge, il en va autrement pour les personnes qui n’étaient pas encore sur le territoire britannique au 1er janvier 2021. En effet, les candidats à l’expatriation ne pourront plus prétendre aux règles expirées d’établissement au Royaume-Uni mises en place pendant la période de transition. Le nouveau processus tel que présenté par le gouvernement de Londres fonctionnera sous forme de points, qui seront accordés en fonction de compétences spécifiques (âge, offre d’emploi qui elle-même fera l’objet de conditions, niveau d’anglais du candidat à l’expatriation ou son niveau d’étude…). En fonction de la situation de chaque personne, différentes règles s’appliqueront. Ainsi, ainsi les étudiants ne sont pas soumis aux mêmes exigences que les travailleurs qualifiés qui eux même n’obéissent pas au même corpus que les chercheurs et scientifiques « hautement qualifiés ».   Un tel système peut déjà être observé dans des pays comme le Canada ou encore la Corée du Sud et complique considérablement les démarches d’expatriation.   Depuis le Brexit, les britanniques ne semblent pas regretter leur choix pour la majorité alors qu’un sondage rapportait que deux tiers des britanniques étaient contre une libre circulation des européens sur leur territoire7. Si les expatriés déjà installés au Royaume-Uni semblent disposer d’un passe-droit, il semble relativement clair que l’opinion publique est hostile à l’idée d’une immigration importante et même d’une présence touristique libérée d’étrangers à la Couronne. Une telle ambiance ne saurait être qualifiée d’accueillante et freinera sans doute les velléités d’installation de certains ressortissants Européens qui gardent un accès facilité à de nombreux pays à la qualité de vie similaire, notamment l’Irlande, l’Allemagne, les pays scandinaves ou encore la Suisse qui, comme l’Angleterre, est très attractive pour les expatriés travaillants dans le domaine de la finance.  

 

Rester ou quitter le Royaume-Uni 

 D’après le Ministre de l’économie Bruno le Maire, le Royaume-Uni sera le plus lourdement touché par les retombées du Brexit8 alors que la France et l’Europe en générale devraient réussir à amortir les dégâts. Si les prévisions de notre Ministre sont justes, l’Etat britannique risque une éventuelle récession ce qui limitera d’autant plus la marge de manœuvre des candidats à l’expatriation compte tenu de la volonté affichée de favoriser les ressortissants britanniques dans la recherche de travail.   

 

Fin d’année 2018, 13% des Français interrogés et installés au Royaume-Uni déclarent vouloir rentrer en métropole à la suite du Brexit, et 25% hésitaient à rentrer. Si les sondages ont laissé imaginer un retour massif d’expatriés installés au Royaume-Uni, en pratique il n’en est rien pour le moment9. Il est tout de même à noter que, les recherches de logements en France en provenance de l’autre rive de la Manche se sont intensifiées depuis le Brexit : les responsables éditoriaux de la plateforme « seloger.com" annonçaient une hausse de 75% des visites britanniques sur les annonces immobilières parisiennes. Que ces visites soient l'œuvre de Français ou de Britanniques, elles illustrent parfaitement la situation fébrile créée par l’annonce du retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne.  

 

Marie, 32 ans, enceinte et expatriée en couple à Oxford : «  La décision n’est pas encore prise, ma grossesse est encore jeune mais bien sûr que nous envisageons sérieusement de rentrer en France. Je ne sais pas si c’est dans notre imagination ou si c’est réel, mais depuis le Brexit, j’ai l’impression de vivre plus d’incivilités au quotidien, comme si on ne voulait plus de nous… Je n’ai pas envie que mon enfant grandisse dans cette ambiance, mais c’est dur de tout abandonner alors qu’on était heureux. Perdre nos emplois nous fait très peur aussi, la vie est chère ici et en tant qu’Européens, je me demande s’il ne serait pas plus dur de retrouver un poste.» 

 

S’il est difficile de chiffrer le nombre d’européens ayant quitté le Royaume-Uni en raison du Brexit, il est certain qu’une partie des expatriés a connu des expériences déplaisantes depuis le référendum, au point d’en publier un livre10, « In Limbo » écrit par Véronique David Martin et Elena Remigi regroupe 157 témoignages de xénophobie liés, d’après les auteurs, à la libération de la parole britannique post Brexit. 

 

Au sujet des Français souhaitant quitter le Royaume-Uni, l’agence Statista partageait les résultats d’une enquête montrant que la plupart de ceux qui souhaitaient quitter le royaume britannique rentreraient certainement en France (à 75%), ou resteraient en Europe (9% en Espagne ainsi qu’en Suisse pour les plus gros pourcentages)11.  

 

La sénatrice des français établis hors de France, Hélène CONWAY-MOURET, expliquait déjà en 2015 qu’il n’existe que trop peu d’études sur les français rentrant en France après une expérience à l’étranger, et que les chiffres disponibles sont tout sauf exhaustifs12 Le temps nous en dira donc plus quant aux conséquences du Brexit sur l’expatriation au Royaume-Uni. 

 

1 Article Les Echos
2 https://www.gov.uk/transition
3 Article Les Echos
https://www.europe1.fr/international/brexit-la-nouvelle-vie-des-expatries-francais-de-londres-3946623
https://uk.ambafrance.org/BREXIT-ET-SETTLED-STATUS-29137
https://www.europe1.fr/international/brexit-la-nouvelle-vie-des-expatries-francais-de-londres-3946623
7 Article The Guardian
8 Article Challenge

9 https://london.frenchmorning.com/2018/05/09/in-limbo-temoignages-europeens-brexit/
10 Statista
11 www.senat.fr

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